Loi

Passé inaperçu ou presque, l’amendement (SPE762) du Député François Brottes, adopté lors de l’examen de loi Macron à l’Assemblée Nationale, étend à la publicité en ligne les règles de transparence de la loi Sapin… Et ça sent le sapin pour la profession de la publicité à la performance !
L’amendement ajoute 5 mots : « , sur quelque support que ce soit, » qui ne sont pas aussi inoffensifs qu’il y parait et sans qu’aucune urgence ne justifie une telle précipitation.

C’est quoi l’article 20 modifié de la loi Sapin ?

« Tout achat d’espace publicitaire « , sur quelque support que ce soit, » ou de prestation ayant pour objet l’édition ou la distribution d’imprimés publicitaires ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d’un annonceur et dans le cadre d’un contrat écrit de mandat.
Ce contrat fixe les conditions de la rémunération du mandataire en détaillant, s’il y a lieu, les diverses prestations qui seront effectuées dans le cadre de ce contrat de mandat et le montant de leur rémunération respective. Il mentionne également les autres prestations rendues par l’intermédiaire en dehors du contrat de mandat et le montant global de leur rémunération. Tout rabais ou avantage tarifaire de quelque nature que ce soit accordé par le vendeur doit figurer sur la facture délivrée à l’annonceur et ne peut être conservé en tout ou partie par l’intermédiaire qu’en vertu d’une stipulation expresse du contrat de mandat.
Même si les achats mentionnés au premier alinéa ne sont pas payés directement par l’annonceur au vendeur, la facture est communiquée directement par ce dernier à l’annonceur. »

Ça veut dire quoi ?

Cela revient à dire que la transparence, c’est la facturation des achats d’espace transmise directement au client. Ainsi nos agences web se verront-elles obligées, par la loi, à transmettre aux GAFA les coordonnées de leurs clients et même de dévoiler une partie des stratégies des annonceurs puisqu’il va falloir détailler les stratégies d’achat. Ces mêmes GAFA ayant leurs propres agences offshores… Je vous laisse imaginer la suite.
Mais aussi que la valeur ajoutée, c’est l’achat d’espace et non la performance des résultats obtenus pour les clients. La loi vient donc pénaliser ces milliers de petits annonceurs français qui veulent maîtriser leurs dépenses et maximiser leurs résultats et qui avaient enfin accès aux campagnes publicitaires comme les grands.
Et enfin que ce qu’il faut défendre, ce sont les supports et non le travail d’optimisation. Or, les supports sont détenus par Google ou Facebook et le travail d’optimisation par des entreprises françaises comme Critéo. C’est ainsi que sous couvert de transparence, des recettes fiscales vont encore s’évader vers d’autres contrées plus vertes.
Derrière le grand mot de « transparence » ce sont donc nos entreprises qui vont en payer le prix.

Pourquoi cet amendement ?

Lorsque la loi Sapin est adoptée au début des années 90, elle est la réponse nécessaire à la corruption et aux procédures opaques grandissantes de l’époque et, l’article 20, la réponse aux abus financiers dans la publicité : facturations excessives, fictives ou encore doubles facturations de la part de l’intermédiaire. Conséquences de la loi, les agences s’internationalisent, leurs revenus chutent de 20 % et 5 000 emplois sont directement détruits mais aussi grâce à cet amendement la profession fut assainie. Le jeu en valait la chandelle.
En 2014, nous n’en sommes pas là et les enjeux sont ailleurs.
Les modèles économiques sont en construction, les investissements restent lourds et hasardeux, les paradigmes ont changé et la transparence n’est pas forcement là où elle était.
Au contraire, le métier de la performance est bénéfique à l’écosystème numérique. C’est lui qui permet à des milliers de petits annonceurs de mener des campagnes qui leur permettent d’être vus par des milliers de clients potentiels à coûts maîtrisés ; ce sont des entreprises et des emplois ; ce sont des datas comportementales qui restent sur le territoire national ; ce sont des recettes fiscales pour notre pays.
Le plus drôle dans l’histoire c’est que les acteurs de la performance qui sont prêts à discuter avec le gouvernement pour encadrer les pratiques de la profession n’ont pas été entendus.

Mobilisons-nous pour qu’ils le soient.

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