De fil en aiguille et par passion du Web, Nadia Tiourtite s’est retrouvée planner stratégique digital. Un nouveau métier que grandes et petites agences de communication commencent à intégrer. Non sans difficultés…
En quoi consiste ton métier ?
Je suis planneur stratégique digital. Mon métier consiste à être la « ressource » digitale au sein de mon agence. Je dis ressource parce que le planning lui même est une ressource que les commerciaux et les créatifs, moins souvent, activent pour leurs besoins. On accompagne les commerciaux pour les recommandations stratégiques faites aux clients ou aux prospects en cas de pro activité ou compétition. Dans mon cas, j’interviens quand ils ont un besoin web, mobile et aussi PLV dynamique (borne, vitrine interactive) puisque on est une agence Communication point de vente. Concrètement, j’apporte les réponses du temps 2, celle juste après s’être dit « Et si on faisait du web ». J’affine le Pourquoi, le Quoi (un site, un mini site évènementiel, une application Facebook etc.), en m’appuyant sur les usages Web, les insights conso (augmentation du taux de connexions internet sur mobile, 1 internaute sur 4 sur FB en France….)
Objectif : par ma connaissance du web, définir une campagne, une présence la plus pertinente possible par rapport aux objectifs du client et sa cible, et intervenant au près des codes culturels du web pour favoriser son adoption.
Autre mission du Planner digital : ça touche à la mystique, « évangéliser » en interne pour diffuser et faire adopter la culture et les réflexes digitaux. Accompagner et favoriser le basculement métier par des documents de tendance, des informations à partager, des rencontres… Une métaphore qui dit son chemin de croix
Quelle est sa valeur ajoutée par rapport à un consultant web « ordinaire » ?
Dans un groupe publicitaire, le planneur est « invité » à emprunter aux outils de son homologue offline : insight (les clés du comportement conso qui vont faire levier), les mappings en tout genre, et l’effet powerpoint slide allégée et très imagée. Par rapport à un consultant web, il est « invité » à être moins dans la stratégie des moyens, que dans l’IDEE, la vision : de la pédagogie et de l’inspirationnel plus que de la précision et de la mécanique.
Quels sont les principaux acteurs avec qui tu es amenée à travailler ?
En interne : les commerciaux, les créatifs. En externe : les prestataires . Il y a évidemment pleins d’autres interlocuteurs qui devraient intervenir : directeur technique, architecte de l’information. Mais la configuration de mon agence (agence non web) fait que mon directeur technique est en fait mon prestataire régulier. Et d’architecte d’information, point : je fais mes arbos et mes zonings.
Quelle rôle joues-tu dans une équipe ? Dans l’agence ?
J’interviens en amont lors de la définition de la stratégie. J’élabore la recommandation, la présente au client, en collaboration avec le commercial. Je rédige le brief créatif et briefe les créas. A ce stade, on entre dans le déploiement du projet et intervient un chef de projet qui à son tour me fait intervenir ou pas. Le planneur, à la différence d’un consultant Web, doit s’arrêter à l’élaboration de la stratégie, de l’idée…en tous dans les groupes publicitaires avec des spécialisations métiers fortes.
Comment en es-tu arrivée à ce métier ? Quels ont été tes précédents postes ?
Par un effet fer à cheval/cheval de course/course à pied…. J’ai commencé par la com politique et lobbying, travaillant déjà mais côté thématique sur les enjeux de la société numérique. Et ensuite j’ai travaillé aux côtés de Xavier Moisant au sein de Place de la démocratie sur de l’Internet Politique. Et pour finir, on a rejoint ensemble le monde des agence, pour faire de l’Internet. Résumé en slash : Communication politique./Internet politique/Politique
Quelles études as-tu faites ?
Je suis juriste de droit public. J’ai un DEA (un master pour les plus jeunes ) en droit public national et européen. L’adage ne ment donc pas : le droit mène à tout ! Plus sérieusement, ça a été pour moi une histoire d’immersion. Je travaillais avec Xavier depuis quelques jours qu’il me contraignait à bloguer. C’était pour lui questions de logique à observer de près, de reflexe à observer. Si le planneur classique se rapproche du sociologue, le planneur digital relève plus de l’anthropologue : immersion, observation des rites tribaux…. Paris VIII a d’ailleurs un 3ème cycle d’anthropologie des médias numériques qui me tente !
Quelles qualités et compétences penses tu qu’il faut avoir pour faire ce métier ?
De la curiosité, beaucoup de curiosité, des qualités de navigateur et d’explorateur…ne jamais considérer une étape comme acquise. Ce qui est fait reste à faire ! De l’empathie : on observe pas des consommateurs, on observe un espace public, on en est acteur. Une capacité à comprendre, interroger les choses très rapidement.
Que conseillerais-tu à un jeune qui voudrait faire ce métier ?
Si faire ce métier, c’est faire du contenu web : commencer à en produire soi même. La créativité venant aussi d’une capacité à détourner les technos, je recommanderais de se former aux Gobelins. Et de commencer dans une PME, une hot shop créative, où les postes ne sont pas figés et on peut définir des présences web plus innovantes : UPIAN, UZIK…
Et de s’abonner à quelques blogs référents de penseurs du web et de les lire régulièrement pour s’imprégner des logiques propres du web. Les paradigmes sautent.
Mes recommandations : Danah Boyd et Henry Jenkins.
+ Knokin’ Le blog de réflexions de Nadia et Xavier