Petit guide facile d’utilisation des images sur le web
Vous voulez utiliser des images de licorne ou des vidéos de Kim Kardashian sur un site de vente en ligne, votre blog, votre mur Facebook et vous ne savez plus ce que vous avez le droit de faire ou de ne pas faire? Un mannequin challenge ou un lip dub ? On vous dit tout ici. Suivez le guide.
Le web a été créé comme un grand espace de liberté dans lequel les artistes de tout bord diffusent leurs créations sous une multitude de formats depuis une multitude de pays et autant de législations. Difficile de s’y retrouver donc.
Bien des artistes et ayants droits expriment leur mécontentement de voir leurs créations reprises sans leur accord. Si certains laissent faire, d’autres intentent des procès pour faire valoir leurs droits. C’est ainsi que les héritiers de Marvin Gaye ont récemment fait condamner Pharrell Williams et Robin Thicke à leur payer 7,4 millions de dollars, pour avoir copié le titre « Got to give up » dans la chanson « Blurred Lines ».
Les procès en droits d’auteur ne sont pas l’apanage des grands artistes ni des musiciens. En réalité, le risque que vous soyez poursuivi est souvent proportionnel à l’enjeu financier en cause mais il existe aussi des décisions symboliques qui visent à rappeler l’importance du respect des droits d’auteur.
Alors, voici les bonnes pratiques, question par question.
Puis-je illustrer la page Facebook de mon entreprise avec des images de « LOL cat » trouvées sur le web ?
C’est le cas de Pauline, community manager d’une marque de croquettes pour chat, elle publie régulièrement sur la page Facebook de son entreprise, des images de « lol cat » qu’elle trouve grâce à Google image.
Bien que ce genre de pratique soit très répandu, le libre accès ne doit pas se confondre avec la libre utilisation.
Pour procéder sans risques d’atteinte aux droits d’auteur, plusieurs options s’offrent à vous :
- Choisir des images dans une banque d’images, ce qui implique certes un petit effort de lecture pour vérifier si la licence vous autorise l’usage que vous souhaitez en faire;
- Choisir des images du domaine public comme celles proposées par la NY Public Library;
- Contacter l’auteur des images pour obtenir son accord ;
- Créer vous même des images originales dont vous serez l’auteur.
La présence de l’option de partage sur les plateforme de diffusion et les réseaux sociaux induit qu’un artiste qui publie du contenu consent à ce qu’il soit partagé sur cette même plateforme ou ce même réseau social. Mais dès lors que votre usage est commercial comme dans le cas de Pauline avec ses « lol cats », dénaturé ou sorti de son contexte, vous devrez solliciter l’autorisation de l’auteur.
Y-a-t il des limites à la création d’un GIF ou d’un mème ?
Le mème peut se définir comme un phénomène internet repris en masse de manière décalée à l’instar des « Chuck Norris Facts ». Tandis que le GIF est une courte boucle animée d’images.
S’il est tiré d’un film, d’une série, d’un livre ou d’une émission par exemple, le GIF (ou le mème) peut porter atteinte aux droits d’auteur car sa création suppose parfois des modifications de l’extrait choisi. Si vous changez un élément ou que vous ajoutez une phrase par exemple.
D’autres fois, une sortie de son contexte initial, puis sa diffusion, plus ou moins en masse peut constituer une atteinte aux droits d’auteur de la série ou du film original. La question s’est posée lors des derniers Jeux Olympiques pour les médias qui n’avaient pas acheté les droits. Le comité olympique leur a adressé un courrier leur interdisant expressément « l’utilisation de contenu olympique transformé en formats graphiques animés tels que GIF animés (c-à-d. GIFV), GFY, WebM ou formats vidéo courts tels que Vines et autres).
Comme pour toute diffusion et/ou création dérivée d’une œuvre dont vous n’êtes pas à 100% le titulaire, vous devez en principe, solliciter une autorisation.
Peut-on s’affranchir de ces autorisations ?
En effet, le Code de la propriété intellectuelle prévoit une liste d’exceptions qui vous dispense d’autorisation pour utiliser des images ou des extraits d’œuvres appartenant à des tiers.
Sans entrer dans le détail de toutes les exceptions, on peut relever en particulier que si vous utilisez des images (ou des GIF etc.) seulement et exclusivement pour informer le public comme je le fais dans cet article par exemple, vous n’avez pas besoin d’autorisation.
Il en est de même si vous en faites une parodie mais elle doit impérativement être destinée à faire rire, ce qui reste très subjectif. Elle ne doit pas non plus nuire à l’œuvre originale, ni d’ailleurs à la personne qui en est l’objet. La limite est ténue et c’est ainsi que lorsqu’en 1997, Canal + rediffuse un extrait de la chanson « Deux enfants au soleil » de Jean Ferrat et que l’humoriste Jamel Debbouze s’exclame au cours de la diffusion « si lui a marché, alors j’ai des chances », des magistrats ont considéré que l’exception de parodie n’était pas applicable et que Jean Ferrat avait bien subi une atteinte à ses droits d’auteur.
Enfin, notez que si votre création détourne une photo ou une vidéo permettant d’identifier une ou plusieurs personnes, vous devrez d’abord obtenir leur consentement circonstancié puis restez bienveillant afin d’éviter que le détournement ne s’analyse en du harcèlement en ligne, un délit puni par le Code pénal de deux ans d’emprisonnement et 30000 euros d’amende.
Comment puis-je réaliser un lipdub ou un mannequin challenge avec mes collègues ?
Si, comme Elodie, chargée en communication d’une start up, vous souhaitez réaliser un lipdub ou un mannequin challenge pour promouvoir l’esprit cool de votre entreprise en toute sérénité, voici les trois étapes à respecter :
- Pour chaque personne qui apparaît dans le clip : obtenir une autorisation de droit à l’image circonstanciée. Dans son lipdub de 2007, l’UMP s’était affranchie de cette étape et a été condamnée à verser 1500 euros de dommages et intérêts à Paloma, qui apparaissait malgré elle, à la toute fin du clip;
- Que vous tourniez le clip sur votre lieu de travail ou à la campagne au milieu des chevaux, assurez vous également, d’avoir l’autorisation, selon le cas, du propriétaire du lieu, des dirigeants de votre start-up ou bien de la collectivité publique ;
- Enfin, pour la chanson, plusieurs scenarios sont envisageables :
- S’il s’agit d’une chanson originale (comme Black Beatles de Rae Sremmurd) demandez l’autorisation à la Sacem;
- Si vous réalisez une parodie, vous pouvez bénéficier de l’exception de parodie qui vous dispense d’autorisation;
- Vous pouvez aussi sélectionner une musique tombée dans le domaine public comme le Boléro de Maurice Ravel.
Quelles sont les sanctions que j’encours si je ne prends aucune précaution ?
La loi prévoit deux types de sanctions :
- La condamnation à des dommages et intérêts fixés en fonction du préjudice subi par l’auteur, pouvant aller de quelques milliers d’euros à plusieurs millions selon les intérêts financiers en jeu. Ainsi, un gérant de dépôt vente qui avait reproduit sur sa page Facebook des illustrations trouvées sur le web sans l’accord de l’auteur, a été condamné à 2000 euros de dommages et intérêts, tandis que dans une affaire où étaient en jeu plusieurs milliers de photos originales d’objets mis aux enchères, la plateforme Artnet qui avait mis en ligne ces clichés sans autorisation, a été condamnée à 700 000 euros pour indemniser le préjudice du photographe.
- Une réponse pénale est également possible et consiste en des peines d’amende jusqu’à 300 000 €, et de prison jusqu’à 3 ans.
Puis-je faire tout ce que je veux avec des images « libres de droit » ?
L’expression « libre de droit » est trompeuse puisqu’elle induit une utilisation sans contrainte.
En réalité, que l’image soit tombée dans le domaine public comme la Joconde (70 ans après la mort de son auteur), ou bien que l’auteur ait renoncé à ses droits patrimoniaux de son vivant pour permettre aux internautes d’utiliser sa création gratuitement, vous devrez toujours respecter ce que l’on appelle les « droits moraux » de l’auteur.
C’est à dire que vous devrez toujours mentionner l’auteur, mais également ne jamais dénaturer son oeuvre ni la présenter dans un contexte contraire à son esprit.
Il existe cependant des cas très particuliers comme celui de la Joconde pour laquelle il n’existe pas d’ayants droits de Léonard de Vinci. Cela signifie que vous pouvez en détourner l’image comme bon vous semble pour vendre ce qu’il vous plaît, aucun héritier ne pourra vous poursuivre. Comme Bic par exemple qui lui a gribouillé une moustache au stylo bille, sous prétexte que « tout le monde peut être un artiste ».
L’image de la tour Eiffel fait aussi partie du domaine public mais ne vous affranchit pas du respect des droits moraux de Gustave Eiffel. La dame de fer a également ceci de particulier que les éclairages qui l’habillent (illumination dorée, scintillement, phare et éclairages évènementiels) sont protégés. Pour utiliser l’image de la tour de nuit, il vous faudra donc obtenir une autorisation de la SETE, la société qui gère les droits d’auteur attachés au monument.
Pour savoir si une image est « libre de droit », vous devez vous référez à la date de la mort de son auteur, ou bien à la licence d’utilisation qui l’accompagne.
Attention toutefois dans le second cas, certains prestataires utilise l’expression « libre de droit » jusqu’au dévoiement. Sur le site Getty Images par exemple, « libre de droit » ne veut pas dire « gratuit », l’on peut lire que « Libre de droits signifie – que vous vous acquittez des frais de licence une seule fois et que vous n’avez pas besoin de verser de droits supplémentaires si vous réutilisez le contenu. Le contenu libre de droits est concédé sous licence pour une utilisation illimitée et pendant la durée d’existence des droits d’auteur. »
En pratique, lisez toujours le contenu de la licence que vous acceptez pour savoir quel usage vous est autorisé et en particulier si vous avez bien le droit d’utiliser l’image dans un but commercial.
Peu importe le format que vous choisissiez, peu importe le mode de diffusion, de la reproduction au streaming, le droit d’auteur ne fait pas de différence de traitement. Cette hyper protection des auteurs se veut la garante de la création, elle incite finalement tout un chacun à collaborer avec les artistes ou bien, à faire preuve d’inventivité et d’originalité pour se démarquer.
Et maintenant, à vos pinceaux digitaux.
Julie Prost.