Nous, on fait la révolution, et vous ? Portrait de Communauté

Delacroix, la liberté guidant le peuple

[Lu sur : My Community Manager, écrit par Anne Delauney]

On aura beau s’évertuer à créer ou à animer une communauté autour d’un objectif, d’un produit ou d’un service particulier ; c’est limite peine perdue si on n’essaie pas de savoir à qui l’on s’adresse. Il est de fait hautement nécessaire de savoir cibler la communauté dans sa psychologie, sa culture et surtout à travers son histoire.
Prenez par exemple deux types de communautés que nous connaissons à priori assez bien : une communauté française et une communauté américaine. Mis à part une différence notoire de langue, on se dit a priori que nous ne nous différencions pas tellement l’une de l’autre, les français consomment tous les jours des produits américains, tels que Coca Cola, séries télévisées, et autres café Starbucks. Les américains quant à eux ne se lassent pas de notre art de vivre, de notre gastronomie et de nos chers paysages (notamment la Côte d’Azur). Là, nous ne voyons que la partie émergée de l’iceberg.

1. Les différences entre les communautés française et américaine

Let’s take a closer look… Lorsqu’on lit la presse américaine, on voit toujours des titres qui nous laissent sceptiques mais hautement révélateurs « As US becomes more diverse, Hispanics flourish » (Reuters 21.12.2010). En considérant les minorités ethniques dans leurs statistiques, les Etats-Unis ont déjà créé des communautés.
Vous avez dans doute déjà pu remarquer justement dans ces séries télévisées où le héro se retrouve à assister à un séminaire présenté (ou devrais-je dire animé) par un homme en costar-cravate, généralement beau gosse avec un micro accroché à son oreille, un peu comme s’il avait une oreillette bluetooth… Avez-vous déjà remarqué cette ferveur dont l’assistance fait preuve ? Ils scandent tous le même slogan, applaudissent à chaque parole du prêcheur, heu pardon, de l’animateur devrais-je dire.
Avez-vous déjà vu telle ferveur autour d’une cause quelconque en France (hormis pour les rencontres sportives, notamment internationales où les français ont un bon niveau) ?
On le sait tous, aux États-Unis, il existe dans les Suburbs des associations de voisins qui veillent à la sécurité du quartier, et qui organisent aux beaux jours des barbecues, s’arrangent pour garder les enfants du quartier, etc. En France, je ne serai que trop prudente sur la récente « création » de la « fête des voisins ».
Cependant on notera une certaine capacité de mobilisation de la part des français autour des événements touchant à leurs acquis sociaux notamment : dernier exemple en date, les retraites. Je ne souhaite pas faire polémique, je ne fais que citer des faits d’actualité, j’aurais pu tout aussi bien citer un mouvement qui a marqué mes études tel que les manifestations anti CPE, datant de 2006.
La différence dans tout cela ? Vous me direz peut être que ceci est anecdotique ! Sans toute mais si je devais être exhaustive, la liste n’en serait que trop longue ! Ceci étant, la différence est notoire !
Les sociétés américaine et française n’ont quasiment rien en commun si ce n’est la capacité pour certaines de se mobiliser ponctuellement, mais massivement, et pour d’autre de se mobiliser en petit nombre, mais sur la durée !
Célèbre "I want you" symbole de l'oncle sam

2. Les fondements de ces différences

Je peux vous aiguiller sur la raison qui pousse les Français à ne pouvoir se mobiliser que ponctuellement et massivement en parallèle des Américains qui n’ont pas de scrupule à appartenir à de petites communautés, solides dans le temps.
Et cette réponse nous vient tout droit du XVIIème Siècle d’un petit gars que j’aime bien qui s’appelle Alexis de Tocqueville (lien). Ce cher Alexis, précurseur dans pas mal de domaines, a mis en exergue certains aspects de société inhérents à la France et aux États-Unis. Il vécut au lendemain de la Révolution Française et n’hésita pas à décrire le monde dans lequel il vivait et dont il est resté l’héritier au travers de ses œuvres.
Dans l’Ancien Régime et la Révolution (1856, lien), Tocqueville s’évertua à dénoncer la Loi Lechapelier de 1791 qui interdit en France à toute corporation de se former (lien). Cette loi eut pour résultat de casser ce qui tenait encore debout après la Révolution, c’est-à-dire toutes les solidarités horizontales, là où toutes les solidarités verticales avaient été battues en brèche. Ces corporations avaient toujours été là pour permettre à ses membres d’être épaulés, entendus, conseillés. Sans ces corporations, les citoyens français sont devenus des êtres dont le seul référent n’était plus que l’Etat ; les citoyens se méfiant dorénavant les uns des autres.
Il fallut attendre 1901 pour que les associations et autres groupements soient de nouveau tolérés sur le territoire. Dès lors vous pourrez constater que deux siècles auront suffit à casser les solidarités de fait entre les français. En plus de cela, la Laïcité prônée par l’Etat comme principe fondateur de la Constitution, soulignant par là même le principe d’égalité entre les citoyens, empêche aujourd’hui encore d’émettre des statistiques ethniques, ce qui empêche la formation de communautés ethniques reconnues officiellement en France (à l’image des Etats-Unis).
En, parallèle, aux Etats-Unis, Tocqueville découvre une Nation toute jeune qu’il décrit dans De la Démocratie en Amérique (1835-1840, lien). Il y découvre un merveilleux foisonnement de solidarités tant bien verticales qu’horizontales, donnant naissance à des associations. Avec le temps se sont constituées de réelles communautés, de véritables lobbys qui ont acquis aujourd’hui un poids considérable ! Il s’agit d’un réel contre pouvoir constitué de groupes d’influence chacun à son échelle. De la même manière, il n’existe pas de principe constitutionnel d’égalité (à l’image de la France) dans la Constitution des Etats-Unis. Dès lors, les statistiques ethniques ont toujours existé et cela ne choque personne que ces études existent. Ceci étant, ce manque a débouché sur des dérives graves telles que la Ségrégation qui n’est rien d’autre que l’héritage d’un passé esclavagiste.
Cependant, en tant que Community Manager, on ne reprochera certainement pas aux États-Unis leur histoire dans la création du concept !

3. Conclusion

Ainsi on peut donc remarquer à travers l’histoire et l’histoire de la politique notamment, que la Société Américaine est plus mature que la Société Française en matière de communauté (si ce n’est en matière de communautarisme). Les Américains ont des communautés partout et pour tout ! Les Français comptent toujours sur l’Etat pour qu’il règle leurs problèmes. Et cela ne se remarque pas uniquement dans la communauté. On peut également le constater dans la propension qu’ont les Américains à créer, entreprendre, à vivre leur rêve américain de « self made man » et de la conquête de l’Ouest ! C’est l’idée du « je me fais tout seul, je ne demande rien à personne, si j’ai besoin d’aide, je prends conseil auprès de ma communauté, il ne me viendrait jamais à l’esprit de demander de l’aide à l’Etat qui n’est là que pour protéger le territoire et non pour régenter ma vie ». En France on ne sait faire que la Révolution (gros mouvements populaires). Mais après que la tempête est passée… Qu’est-ce qu’on fait ? C’est là tout le problème !
Dès lors animer une communauté en France peut s’avérer fort compliqué lorsque l’on a à faire participer ses membres de manière récurrente. On se retrouve devant des problématiques suivantes : comment faire pour que mes fans soient plus actifs sur la page fan (Facebook ou autres) dont je suis l’administrateur ? Qui puis-je encourager ? Comment faire davantage ? Augmenter la visibilité de mon entreprise, de mon produit, de mon service, certes, mais à quelles fins ? Surtout si on s’adresse à des Français !
Pour ceux qui ont la chance d’animer des communautés internationales, quelles sont les opportunités à saisir ? Est-ce pour autant plus facile ?
Ceci étant, il ne faut pas voir cette propension révolutionariste comme un frein, mais plutôt comme une opportunité de notre nature/culture à savoir se mobiliser autour de symboles forts afin d’en tirer partie en tant que Community Manager. Car c’est là que réside toute la force de notre culture. J’entends encore le slogan « impossible n’est pas français » (Napoléon Bonaparte). Hé bien saisissons cette chance !
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4 réponses

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  2. Tout à fait !
    et en fait, ce n’est pratiquement jamais évoqué !
    du coup, c’est bien de l’avoir en tête si on a à gérer des communautés qui peuvent être transnationales !

  3. Cet article est très intéressant. Il ouvre des pistes de réflexion qui méritent d’être approfondies.
    En tour cas, merci !

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