Retour sur le workshop du mois de juin qui s’est tenu dans les locaux de Dojocréa, espace de coworking et pépinière, où nous accueillait notre Présidente Lucile Reynard. Au menu de cette session : le « Storytelling » !
Et pour animer notre dernier #WorkshopGIW avant l’été, Célina Barahona, l’une des trois co-fondatrices de l’association mais aussi de So/Cult, un studio de storytelling.
Tout commence par un constat : tous les êtres humains aiment les histoires …
I/ Les fondamentaux du storytelling
L’art de transmettre
Le storytelling est l’art de transmettre en racontant des histoires : transmettre des messages, des idées, des théories, des émotions,…
Il ne s’agit pas d’un message publicitaire (« ceci est bien »), ni d’une démonstration logique (« ceci est bien parce que »), ni même une fin en soi (« il nous faut du storytelling »).
Les histoires, on ne s’en rend peut-être pas forcément compte, ont toujours été un moyen d’orienter les comportements via des règles, des incitations ou des interdictions. Certaines, comme le Petit chaperon rouge, traversent les époques.
Elles sont juste adaptées pour parler aux contemporains que nous sommes et pour continuer à passer subtilement des messages. Quoiqu’il en soit, la matrice originelle demeure.
Les piliers du storytelling
1/ La suspension d’incrédulité
Ou comment on accepte d’y croire : le spectateur accepte, le temps de sa consultation de l’œuvre, de mettre de côté son scepticisme, d’être crédule.
Cela passe entre autres par l’intégration d’éléments de réalisme dans les histoires. Par exemple, Spiderman lave lui-même son costume… ce qui n’empêche pas, bien sûr, qu’on reste dans le monde de Spiderman.
2/ Le cercle magique
Chaque histoire est un monde à part et ce monde n’est pas celui du réel. Qui n’a pas maintenu auprès de ses enfants, petits frères et sœurs, cousins et cousines, le cercle magique du Père Noël le plus longtemps possible ?
3/ Schémas narratifs
Le récit a besoin d’une structure, les histoires d’un séquencement, où chaque personnage a quelque chose à faire.
Vous pouvez utiliser le schéma narratif I (de J. Truby) qui permet de définir les faiblesses et besoins des personnages, l’élément déclencheur (la mort de l’oncle Ben dans Spiderman), les adversaires, le plan du héros, la confrontation finale, la révélation personnelle et pour finir, le nouvel équilibre.
Quant au schéma actanciel, plus détaillé, il peut se présenter plusieurs fois dans un même récit.
Il aide à structurer son histoire en définissant l’objet (objectif), son destinateur (émetteur), son destinataire (récepteur) // La quête // Et le sujet (héros), son adjuvant (aidant) et son opposant (adversaire).
4/ La bible des personnages
Une bonne histoire, c’est avant tout de bons personnages, auxquels on peut s’attacher et pour qui on pourrait ressentir les mêmes sentiments que pour des personnes réelles.
On retrouve d’ailleurs toujours les mêmes schémas d’archétype.
Si l’on prend l’exemple de Desperate Housewives, le personnage principal est la voix off, les protagonistes, les 4 Desperate. Il y a aussi un héros, des antagonistes, des obstacles et des acolytes.
Il est également primordial de caractériser les personnages pour créer du lien, provoquer des sentiments : définissez leur personnalité, leurs origines, leur style de vie,…
II/ Le digital storytelling
Si la 1ère incarnation en est le jeu vidéo, quelles en sont les 7 caractéristiques ?
Les 7 caractéristiques du digital storytelling
Les types de récits, où les événements sont interconnectés ;
Les personnages, contrôlés par l’utilisateur ;
L’interactivité, càd ce qui influence l’histoire ;
La non-linéarité, les événements, les scènes ne se produisent pas dans un ordre prédéfini ;
L’immersion, par laquelle l’utilisateur devient acteur ;
La participation, qui fait participer l’utilisateur à l’histoire ;
Et la navigation, à travers laquelle les utilisateurs peuvent choisir leur trajectoire.
Tout aussi récent que soit le terme de « digital storytelling », il repose en fait sur des mécanismes anciens qu’il remanie. Dans les récits traditionnels par exemple, les expériences sont « passives » pour le spectateur alors que dans les récits digitaux, il s’agit d’expériences « actives ». On parle d’ailleurs d’utilisateur.
Les récits traditionnels ont une fin unique et non modifiable quand les récits digitaux ont différentes fins, issues, possibles.
Interactivité et non-linéarité
Tout compte fait, les notions d’interactivité et de non-linéarité propres aux récits digitaux ne sont pas si nouvelles que ça … Ces notions existaient déjà dans les récits avant l’ère digitale : dans la mythologie grecque, les jeux de rôles ou encore, les livres dont vous êtes le héros.
Suspension d’incrédulité et cercle magique
De nos jours, la suspension d’incrédulité est de plus en plus facile car les nouvelles technos permettent de cacher facilement les fils. Les expériences à vivre se veulent plus immersives ; on « vit » les choses.
Contrôle d’un personnage / avatar
La réelle innovation du digital storytelling est le contrôle d’un personnage par l’utilisateur dans un cadre d’histoire préexistant.
Comment adapter des schémas narratifs qui ne bougent jamais à des médias qui bougent tout le temps ?Effectivement, on peut se demander quelle est la meilleure façon de raconter son histoire…
Tout est une question de bon mix entre les usages (location de VOD sur Xbox), les territoires (information, jeu,…), les écrans et les interfaces. Ces points sont essentiels car ils font partie des éléments de narration.
Et quelle est LA meilleure histoire ?
Il s’agit également ici de trouver le mix idéal entre les univers, les formats (court-métrage, clip,…), les expériences à proposer (ludique, pédagogique, participative,…) et les publics.
N’oubliez pas que ces mix sont des éléments clés et qu’ils sont à considérer dès le début de la conception. Il vous faudra aussi connaître les usages de votre cible, les formats qu’elle aime.
Et surtout, demandez-vous à qui vous vous adressez au moment de la conception, pas après ! Pensez à la façon dont votre cible va recevoir votre contenu et interagir. Tout part de là.
Peu importe quelle est votre cible, gardez en tête que votre utilisateur a un niveau d’exigence élevée. Votre histoire devra être ATAWAD, non-linéaire et cohérente pour être efficace.
Autre point clé à prendre en compte dans la conception : le public peut diffuser l’information, l’éditorialiser car il est aussi le média.
D’autant plus que les communautés ne sont pas étanches entre elles. Il est donc essentiel d’anticiper tous les niveaux d’éditorialisation…
III/ Les marques et le storytelling
Tout est une question d’adaptation de l’ADN de marque…
Economie de l’attention
Vous en conviendrez, nous sommes aujourd’hui face à une multiplicité des écrans, des sources, des contenus et des créateurs. Rien que ça !
C’est donc un vrai challenge pour les marques de composer avec tous ces éléments.
Du coup, le réel enjeu pour les marques n’est pas de capter l’attention mais de la retenir. Tout un programme ! Surtout qu’il faut rester du côté de l’entertainment (et ne pas basculer du côté de la pub pure et dure).
Et qui dit entertainment dit pull (on m’a parlé d’une série ; je décide d’aller la voir) vs push, mais aussi publics et implications : les gens sont prêts à prendre du temps et même de l’argent pour vivre des histoires. C’est le Free time paradox : personne n’a 30 secondes pour être interrompu mais tout le monde a 30 minutes pour faire circuler et répandre les choses qui l’intéressent !
La suite logique ?
La marque média, à l’instar de Red Bull qui sait si bien aller au-delà d’un discours de marque classique pour se faire créateur et apporteur de contenu.
Une activité qui arrive en complément des prises de parole publicitaires.
Les limites
Les aspérités sont nécessaires sinon il n’y a pas de point d’ancrage. Elles sont là pour créer du lien, attacher, donner envie de suivre. Red Bull, qui organise /sponsorise moult événements de sports extrêmes, n’hésite pas à montrer des chutes. C’est un bon moyen d’occasionner un sentiment de proximité voire même d’identification.
Mais quelles aspérités les marques peuvent-elles se permettre sans détruire leur plateforme ?
Car autant les internautes n’ont pas besoin de se mettre de limites, autant les plateformes de marque, si.
Le tout est de rester dans l’authenticité, la véracité.
Une autre limite/difficulté pour les marques est de ne pas céder à la tentation de parler uniquement d’elles mais de tenir des discours concernant pour le public, de l’intéresser. C’est même le but 1er.
Comment intégrer le storytelling dans une stratégie marketing ?
Toutes les techniques de narration de l’entertainment peuvent être utilisées par les marques. Les marques et utilisateurs sont le pendant des personnages des histoires.
N’hésitez pas à utilisez le principe du schéma actantiel.
Le personnage de marque
Votre marque incarne quel personnage ? The Everyday Hero pour Ikea ; The Creator pour Apple ; The Magician pour Google ou encore The Adventurer pour The North Face.
Et quelles sont ses caractéristiques ? Cherchez à définir votre marque par 4 adjectifs clés et vérifiez si chacune de vos actions rentre bien dans votre carré magique…
Les publics
Ils impactent forcément et grandement votre réflexion. Par exemple, la chaîne HBO s’est positionnée sur le créneau des scénarios de séries, ce qui la différencie de ses concurrents.
Quand vous entrerez en phase d’écriture, il vous faudra faire en fonction de vos publics. D’ailleurs, et comme déjà souligné, il est nécessaire d’intégrer dans votre réflexion les publics que vous visez et ce, avant même de commencer à écrire.
Comment vos publics se parlent ? Quels sont les codes de communication à suivre pour les toucher ?
Questions fréquemment posées
Peut-on faire du storytelling avec toutes les marques, même les moins aspirationnelles ?
La réponse est bien entendu oui, car il n’existe aucun schéma universel. Il n’y a que des bonnes histoires.
Comment concilier storytelling et objectifs marketing ?
En intégrant vos objectifs marketing à votre histoire et ce, dès l’écriture. Ce qui différenciera le storytelling de marque de l’entertainment pur.
IV/ Storytelling transmedia
C’est aujourd’hui une vraie réalité de se dire qu’il n’y a plus de barrière entre les supports : la télé, l’ordinateur, le mobile, les tablettes, le cinéma, la radio,…
Chaque support n’est plus un élément en soi mais un élément que vous pouvez intégrer dans votre histoire. Ce qui ouvre les portes de la perception.
Quand le cross-média retranscrit le même message sur plusieurs supports, le transmedia fait de chaque support une expérience différente. Par exemple, utiliser en ce qu’il a de spécifique, la simultanéité, et se demander quel(s) usage(s) a son public de twitter.
Allez chercher l’audience là où elle est et fournissez-lui une expérience riche et multitâche, adaptée à son comportement.
La suite…
Les marques vont s’envisager comme des franchises média à l’image de Marvel qui a une manière bien différente de faire entrer dans son univers. A la base, c’est celui de la BD, puis du film et du merchandising.
V/ Quelques conseils
Pensez au pitch avant de penser aux supports (Fan Page, QR Code, Web doc,…).
Encore une fois, identifiez bien vos publics et tenez compte de leurs usages. On vous l’aura assez répété !
Prenons l’exemple de Norman. Ne s’est-il pas éloigné de son public ces derniers temps ? Norman faisait 4M de vues ; ses publicités n’en font que 800.000. Où sont passés les fans de Norman ? Où les a-t-il perdu ?
Une bonne histoire, de marque ou pas, ça doit être une bonne histoire, tout court. Elle doit fonctionner même … sans la marque. Par contre, n’hésitez pas à profiter de son rayonnement.
Cela donnera un autre niveau de lecture à l’expérience (de marque) que vous proposez…
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Pour les lectures indispensables, vous pouvez consulter la bibliographie proposée par Célina dans sa présentation. Que des ouvrages écrits par des pointures… à 95% des hommes.