A l’occasion du Hub Forum qui se tiendra les 11 et 12 octobre prochains à l’espace Pierre Cardin à Paris, et auquel Girlz In Web a été invitée, j’ai rencontré Marjorie Paillon journaliste à France 24 (Tech 24), Yahoo! (L’envers de l’éco) et blogueuse politique pour ilovepolitics.info.
S’en est suivie une discussion effervescente sur l’évolution du web, la force du contenu, l’engagement des internautes, Facebook mais aussi sur l’économie numérique en France, les sphères d’influence en ligne et les pigeons !
En voici ici la première partie :
En regardant votre carrière, 2 lignes de force se distinguent, la politique américaine, et l’actu web.
Comment articulez-vous ces deux aspects ?
Je suis arrivée au numérique par la couverture de la campagne d’Obama de 2008. En effet, après avoir travaillé avec des chaines de news américaines et canadiennes, le media qui semblait le plus approprié pour parler de la campagne présidentielle américaine, était le web, justement par la transformation de la communication politique qu’il induisait. Le format blog nous a semblé le meilleur, et nous avons monté ilovepolitics.info, avec Julien Landfried en 2007.
Cette campagne très web d’Obama m’a donc amenée à m’intéresser au numérique, notamment à l’écosystème de la Silicon Valley, un des grands donateurs de campagne. Cela m’a permis d’appréhender cette industrie qui bouillonnait depuis plusieurs années déjà et de comprendre comment les réseaux fonctionnaient sur place. Sous le prisme du numérique, j’avais la chance de traiter de géopolitique, d’économie, de phénomènes de société, d’informations qui faisaient déjà la une du web, mais par forcément celle des médias traditionnels.
A l’époque, je couvrais la campagne présidentielle pour BFM TV, à la fois sous l’angle du numérique et sur le terrain. Nous avons ensuite installé des journaux qui couvraient l’actualité sous le prisme online : j’ai donc couvert l’actualité web, mais également l’actualité vue du web.
Entre 2008 et aujourd’hui, il y a eu une certaine évolution chez les diffuseurs traditionnels. Avant, la télévision regardait le web en « chien de faïence ». Aujourd’hui, la télévision sait qu’elle a besoin d’Internet, et fait appel à ses méthodes et son contenu pour creuser les sujets, aller plus loin, apporter de l’interactivité non feinte, créer une nouvelle expérience multi-écran. Il était temps !
Le web permet-il donc d’être en avance sur son temps ?
On verra si le web était en avance sur son temps dans 5 à 10 ans, il faut un peu de recul pour juger. Il faut donner sa chance au media qui se crée, au moment où il se crée. Mais ce qui reste la force de l’information, c’est le contenu. Qu’on traite l’information avec des méthodes traditionnelles, qu’on la traite avec des méthodes web, tant que le contenu est là, nos téléspectateurs qui sont aussi des internautes et des citoyens auront envie de le partager et de le commenter.
La grande force de la campagne 2008 de Barack Obama a été de faire prendre conscience à des petits donateurs de la campagne que grâce à leur don ou leur messages sur les réseaux sociaux, ils faisaient partie d’une histoire en mouvement.
Ce modèle est duplicable a du contenu télévisuel, à de l’information, à du contenu de marque (le fameux brand content) qui sera particulièrement évoqué lors du Hub Forum de cette année.
Seulement voilà : il est très difficile de mesurer à quel moment l’internaute se sent impliqué, prêt à participer à ces histoires en mouvement, qu’elles soient objet télévisuel, fait d’information, objet politique ou marque, et les faire vivre, les faire partager. Personne n’a vraiment trouvé la recette pour l’instant :).
Quoiqu’il en soit, on a besoin de cette complémentarité des canaux et des medias, car nous ne sommes pas une seule et même personne : on n’est pas uniquement télespectateur, ni uniquement lecteur de presse, ni seulement internaute. On est tout ça à la fois. Cette diversité des profils induit plusieurs façons de se sensibiliser à l’info, qu’on aura par conséquent envie de partager de façon différente.
C’est notamment pour cela que je participe également à l’aventure de Yahoo! qui vient de lancer une grille de programmes en France. Yahoo! France se vit aujourd’hui comme un media digital à part entière. Mon émission, « L’envers de l’éco » veut parler d’économie autrement, à contre-courant, ruer dans les brancards de la crise en allant à la rencontre d’entrepreneurs, de scientifiques, de créateurs au parcours et aux convictions « inspirationelles » – en mauvais franglais. L’idée est avant tout d’être dans l’échange, de casser les codes de la télé traditionnelle.
De quelle manière suivrez-vous donc la campagne américaine 2012 ?
Sous les deux angles : encore une fois, la télévision a besoin du web, mais le web a besoin de la télévision aussi.
Même en tant que journaliste ou blogueur, on est aussi consommateur d’infos : toutes les sources sont donc utiles pour appréhender le mieux possible cette campagne américaine. Rien ne sert de se couper d’une source ou d’un canal de diffusion, il faut au contraire essayer d’enrichir sa vision avec toutes les sources possibles.
Je fais vivre sur France 24 les moments forts de cette campagne 2012, au cours de longues nuits et éditions spéciales. Nous avons suivi les primaires républicaines, les conventions de la fin de l’été et entamons la session des débats présidentiels avant le D-Day du 6 novembre prochain. Je reçois aussi les experts et témoins de la vie politique américaine en français et anglais dans le texte sur le plateau de « L’Entretien » / « The Interview », toujours sur France 24.
Et puis, ilovepolitics.info ne s’arrête pas. Bien que je ne puisse pas être aussi prolixe qu’en 2008, le blog est toujours présent, et son compte Twitter (@ilovepolitics) très actif les soirs d’éditions spéciales.
Vous êtes modératrice au Hub Forum pour la table ronde Facebook : les best practices et les dernières nouveautés. Pensez-vous que le marché soit mature ?
Le marché est en train de prendre du recul par rapport au marketing online : quand Facebook l’an dernier a fait ses annonces sur l’open graph et a donné la possibilité à plusieurs marques de l’utiliser (comme Deezer ou Spotify sur la musique), ils ont d’abord du expérimenter grandeur nature ce que cela signifiait pour les utilisateurs. Est-ce que, en tant que membre de Facebook, j’ai envie de partager avec toute ma communauté le fait que je sois en train d’écouter en boucle le même titre de musique ? Je n’en suis pas certaine…
Il ne faut pas perdre de vue qu’on apprend aussi en marchant : parce que ce sont des industries mouvantes, parce qu’on travaille sur des habitudes de consommation qui se modifient en fonction des services proposés, en fonction aussi des envies de consommation du moment. Je crois que Damien Vincent de Facebook (NDLR : Directeur Commercial) au cours de cette table ronde va faire une annonce, quelle sera cette annonce, je ne le sais pas moi-même.
Le marché est-il mature ?
Il l’est en tout cas pour se donner le temps et la chance de tester des nouveaux modes de consommation et des nouvelles façons de médiatiser sa marque et de médiatiser un produit.
Jusqu’à l’année dernière, les marques traditionnelles étaient assez réticentes à se laisser déposséder de leur message online. Ca peut être effectivement un peu traumatisant pour des marques ayant l’habitude de maîtriser leur communication avec des agences tradtionnelles, avec des modes de communication traditionnels, autour d’un produit ou d’une marque.
Quand on décide de faire une communication en ligne, il faut se dire qu’à un moment donné, on va être dépossédé de son message, et c’est tant mieux !
C’est une grande chance de se laisser déposséder de son message ! Cela veut dire que des internautes (qui sont aussi des consommateurs) se le réapproprient. Même si à certains moments et dans certains cas, ils le déforment. Il s’agit en même temps du meilleur feedback possible pour comprendre comment cette marque ou se produit peut être consommé, peut être détourné.
Twitter par exemple, était au début un service d’update de statut principalement : par exemple Barack Obama en 2008 ; «rejoignez-moi pour un meeting à telle heure à tel endroit».
Au fur et à mesure de l’utilisation des membres, Twitter est devenu un service vecteur d’informations : on est passé de « what are you doing » à « what’s happening ». Il faut laisser la chance à son produit d’être réapproprié par ses utilisateurs potentiels ou de nouveaux utilisateurs / membres et pouvoir être transformé en fonction de ces envies-là, ces modes de consommation-là.
Cela peut être donc effectivement traumatisant pour certaines marques, mais tant mieux : laissez-vous traumatiser !
Demain, suite et fin de l’interview de Marjorie Paillon modératrice au Hub Forum le jeudi 11 octobre de 17h20 à 18h05 pour la table ronde “Facebook Marketing : best practices et latest changes” en compagnie de Damien Vincent, Sales Manager chez Facebook et Richard Beattie, Senior Director Social pour Oracle.
On y parlera entre autres de redéfinition de l’espace social et économique…
Stay tuned !