Retours sur la Game Connection Europe 2012 – et sur l’état de l’industrie du jeu
Les organisateurs de la Game Connection Europe qui a eue lieu du 28 au 30 novembre derniers à Paris m’ont invitée à passer 3 jours avec la fine fleur mondiale de l’industrie du jeu video.
Mêlant intelligemment stands, espaces de discussion, et conférences sur l’état de l’art du jeu et de son futur, le hall 5 de la porte de Versailles grouillait à la fois de bizdevs tendance costume-cravate et de développeurs façon dark fantaisy ou surfeurs californiens.
La Game Connection, c’est quoi ?
La Game Connection, c’est un salon d’affaires B2B de l’industrie du jeu video fondé en 2001 à Lyon, et qui s’y est tenu jusqu’en 2011. Depuis l’édition 2012, il se tient désormais à Paris. Fort du succès incroyable des premières éditions, Game Connection a traversé l’Altantique et organise depuis 2004 une Game Connection America qui se tient à San Francisco.
1 450 visiteurs, plus de 700 entreprises venues de 50 pays différents, des sessions Master Classes, des conférences, la remise de prix – Selected Projects récompensant les meilleurs projets des studios indépendants et Game Connection Marketing Awards.
Avec sa plateforme en ligne de gestion des rendez-vous, la Game Connection a pour but de vous faire gagner du temps en préparant ces 3 jours de salons, et de vous faire contacter de futurs clients ou partenaires. En deux mots du business et du networking.
Cette convention réunit tous les acteurs du jeu video et tous le types de jeux (consoles / digital / mobile / social) :
• Petits et grands studios de jeu (type Ubisoft, Bulkypix, Epic Games, Rovio), éditeurs (Zynga, Big Fish),
• Acheteurs et notamment les grands portails (king.com, 6waves, Bigpoint) mais aussi les chaînes TV françaises ou étrangères, dont les sites web génèrent une part non négligeable de leur trafic grâce aux jeux notamment adaptés des licences TV qu’elles diffusent, étaient là ; ou encore les FAI qui proposent désormais l’accès à des jeux videos sur les interfaces de leur box internet.
• On rencontre également les acteurs de la monétisation des jeux en ligne (hi media ou ad4screen par exemple)
• Mais aussi les pouvoirs publics qui ont bien compris l’intérêt stratégique aussi bien commercial que politique à financer un secteur en pleine expansion : les clusters régionaux français – Capital Games pour l’Ile-de-France, Imaginove pour la région Rhône-Alpes, le ministère des Finances (si si !), mais aussi des acteurs internationaux : une délégation finlandaise, une italienne,une estonienne des représentations diplomatiques canadiennes, britanniques, et bien d’autres encore.
… et même Facebook ! qu’on a pu apercevoir en la personne de Julien Codorniou passé le 1er jour.
Cette grande diversité des acteurs et leur rassemblement au même endroit montre bien si c’était encore nécessaire que l’industrie du jeu – video / mobile ou en ligne est un secteur extrêmement stratégique.
C’est d’ailleurs le grand argument des organisateurs : la Game Connection est un business maker, et vous auriez tort de vous en priver.
Le jeu video, c’est bankable ?
Quand on voit le nombre de personnes, et le type de secteurs d’activités présents à la Game Connection, et à moins d’une hystérie collective massive, le doute sur le bien fondé et la pérennité de ce business n’est plus permis.
En effet, l’industrie du jeu video, (on ne parle ici pas uniquement des jeux console ou PC, mais également digitaux, mobile, sociaux, etc) pèse environ 42 milliards d’euros en 2011, soit bien plus que le cinéma ou la musique.
Il s’agit de plus d’un marché en pleine expansion (62 milliard d’euros attendus pour 2015 – hors consoles), aidé en cela par les avancées technologiques (set-top box, réalité augmentée, géoloc, 3D, etc), par la diversité de ses supports (télévision, ordinateurs, téléphones, tablettes, réseaux sociaux) et de ses business models (Pay to Play, Free-to-Play, Freemium – achat au jeu ou à l’item dans le jeu, micropaiement, sponsorisé par la publicité, etc).
La Game Connection regroupait d’ailleurs principalement des acteurs de jeux ne nécessitant pas d’achat physique du jeu : en effet, les applications mobiles, browser games, social games, jeux en réseau type World of Tanks ou World of Warcraft voire les anciens jeux consoles qui se trouvent désormais accessibles via les box des FAI (cloud gaming) et rendent par conséquent moins indispensable l’usage des consoles et donc les supports physiques des jeux qui vont avec.
Que s’est-il passé en 2012, à quoi doit-on s’attendre en 2013 ?
Les conférences de la Game Connection sont un excellent moyen de prendre le pouls du secteur, et d’avoir une vision d’ensemble des grandes tendances (des « trends » pourrait-on dire) de l’économie, des usages, passées et se dessiner celles à venir.
Les lignes de force et constatations pour 2012
• Tendance baissière voire fin de cycle pour les jeux dits « fermiers » ou de construction (et du time management en général) qui firent les grandes heures de Zynga ;
• La folle croissance observée pour les MMO (massive multiplayers online games) sur les réseaux sociaux ralentit et tend à s’approcher d’un plateau tant en termes de trafic qu’en termes de chiffre d’affaires ;
• Le marché va bientôt être mature, il faut donc tout faire pour placer ses pions avant les autres.
• La rétention s’avère par conséquent beaucoup plus importante que l’acquisition : avoir beaucoup de trafic c’est bien, arriver à le conserver, c’est mieux ;
• Les jeux à financement hybride (free-to-play ET pay-to-play) transforment bien mieux que les P2P (pay-to-play) ;
• Les utilisateurs de smartphones sont plus des joueurs que des spectateurs (les applications de jeux sont bien plus téléchargées que les applications de video) ;
• Le mobile commence (enfin!) à monétiser (et d’ailleurs le taux de conversion des joueurs sur mobile – ARRPU – est bien supérieur à celui des réseaux sociaux).
On n’est jamais à l’abri d’une mauvaise surprise : même si l’industrie du jeu est florissante, aucune société n’a atteint le point « too big to fall ». méfiance, donc.
Les tendances de 2013
• Le social gambling (jeux de casino en ligne, jeux de poker – Zynga fait d’ailleurs l’essentiel de son chiffre d’affaires avec Zynga Poker) ;
• La video pour monétiser les jeux que ce soit sur mobile ou web ;
• Le « seamless play » (littéralement « jeux sans couture ») ou jeu transplateforme. C’est-à-dire pouvoir jouer sur son ordinateur, continuer sa partie sur tablette ou mobile ;
• Le snackable play : vous avez 10 à 20 secondes pour convaincre votre joueur dans un marché saturé !
• Le développement du « licencing » ou merchandising autour de marques voire de compagnies (ils sont de plus en plus nombreux, mais Angry Birds, l’application de jeu de Rovio téléchargée plus d’un milliard de fois, désormais déclinée en produits physiques en est l’exemple le plus notable).
Le marché devenant mature, il faudra faire mieux plus rapidement et avec moins, et se concentrer sur les jeux core et surtout mid-core (plus impliquants que les jeux dits « casuals », et pour lesquels les joueurs ont tendance à dépenser plus).
Dans tous les cas : le contenu est toujours beaucoup plus important que la plateforme et l’engagement des joueurs est plus que jamais recherché, figurant ainsi durablement en top des priorités des créateurs et éditeurs de jeu.
One more thing :
Good Story + Good Gameplay
=
Great Game