Rencontre avec Clara Gaymard, présidente du Women’s Forum
Du 30 novembre au 2 décembre, à Deauville, aura lieu le Women’s Forum for the Economy and Society, présidé par Clara Gaymard. Cette dernière nous reçoit pour nous parler de cette nouvelle édition, d’elle et des femmes, dans les bureaux de son nouveau challenge RAISE.
Le Women’s Forum for the Economy and Society, qu’est-ce que c’est ?
Créé en 2005, à l’initiative de femmes de pouvoir françaises, puis internationales et soutenu par des grosses entreprises, notamment Publicis, qui en possède 25%, le Women’s Forum for the Economy and Society a pour but de renforcer la représentativité des femmes et de promouvoir une plus grande mixité homme / femme, notamment au sein des structures de décision. Cet évènement que l’on nomme le «Davos des femmes» regroupe chaque année, 1500 participants dont 20 % d’hommes. Le but n’est pas de faire de la géopolitique mais d’être au coeur des problématiques des dirigeants. Car où en est-on notamment en France en matière d’égalité homme / femme ? Selon un rapport du Forum économique mondial, il faudra environ 170 ans pour arriver à une égalité salariale. En France, l’écart mensuel salarial est entre 19 et 24,5%, se creusant d’autant plus pour les hauts salaires. En quelques années, nous sommes passés de la 36° place à la 61° au classement sur la représentativité des femmes dans les chambres, ce qui nous place entre l’Irak et le Pérou. D’après une étude MacKinsey, la réduction de cet écart salarial représenterait une croissance de 10% du PIB. Forte de cet état des lieux, la rencontre avec la présidente du Women’s Forum for the Economy and Society semblait nécéssaire. La thématique cette année en étant « Is the sharing economy a sharing world ?», Clara Gaymard pense ainsi mettre en valeur le but sous-jacent à cet évènement : « Building the future with women’s vision». Alors c’est quoi la vision de femme de Clara Gaymard ?
«Le seul vrai moteur dans la vie, c’est le désir.»
Une récente étude menée par le Cabinet Hays a démontré que les femmes françaises sont les plus ambitieuses du monde. Clara Gaymard dont le parcours est exemplaire, en est une digne représentante, et pourtant : « Je n’ai jamais su ce que je voulais faire. J’ai fait l’ENA parce que je voulais servir mon pays. Pour moi, fonctionnaire est une tâche noble. Après 25 ans en tant que telle, à aider les entreprises, la transition avec General Electric était évidente. Et quand j’en suis partie, j’ai co-fondé RAISE, levant 350 millions d’euros et en faisant à 50% une fondation pour promouvoir l’entreprenariat.» Celle qui vient d’écrire avec sa fille, Bérénice Bringsted, Faut qu’on se parle, tient un discours émancipateur et n’a qu’un conseil en matière de travail : «Faites ce que vous aimez mais faites le beaucoup et faites le bien.» Elle poursuit en réaffirmant ce principe : « Le seul vrai moteur dans la vie, c’est le désir. C’est pas grave d’avoir peur, mais il faut être vigilante. La peur est une compagne de vie. Il faut mettre le désir en tête. Votre différence est votre force.» Elle qui a recruté énormément d’employés décrit un phénomène qu’elle a beaucoup rencontré : les femmes ont moins de culot. « Elles se dévalorisent. Une femme française qui a une famille est un chef d’orchestre. C’est un savoir-faire humain incomparable. Ce n’est pas un trou dans le CV. C’est la capacité de différencier de savoir ce qui est important de ce qui est urgent. Après tout, nous sommes tous des êtres en devenir.»
« Prenez ce temps pour vous, occupez-vous de vous.»
L’année dernière, elle a ouvert le Women’s forum par ses mots qui ont fait du bien à toutes les femmes présentes qui lui en ont apporté témoignage : «Prenez ce temps pour vous, occupez-vous de vous.» Ce temps de rencontres entre femmes et hommes de tous les horizons permet de pêcher les idées et le réconfort. C’est surtout un évènement au coeur des stratégies digitales des entreprises avec sa thématique : Est-ce que l’économie du partage crée un monde de partage ? Autour de tables rondes, de speakers aussi divers qu‘Elisabeth Borne, président directeur général de la RATP ou Monique Leroux, présidente de l’Alliance Coopérative internationale ou même Amani Yahya, première femme rappeuse au Yémen, tous choisis en fonction de leur excellence, les mots d’ordre sont : bienveillance, convivialité et networking. Et ce temps pour elles est nécéssaire aux femmes d’après Clara Gaymard qui justifie ainsi son engagement dans le projet : «Je n’aurai pas pris cet engagement il y a 10 ans. Mais mon expérience montre les femmes n’ont pas pris les postes de décision. C’est nécéssaire mais c’est surtout de plus en plus urgent que la voix des femmes puisse s’exprimer. Elles ont des choses à dire, à faire mais on ne les laisse pas parler. Il faut laisser s’exprimer la voix des femmes pour donner une voie nouvelle au monde.»
«Une capacité à agir bien plus grande»
Clara Gaymard insiste sur la notion d’empowerment. Elle a d’ailleurs été marquée par la venue de Christine Lagarde qu’elle a trouvé « exceptionnelle» sur ce thème ou de Barbara Hendricks « sublime par son talent, son humanité incroyable, sa puissance rassembleuse». Elle croit aux vertus du mentoring : « Cela donne confiance, cela permet d’éviter les peurs inutiles.» Car, elle croit que des équipes paritaires dans les entreprises, cela changerait tout, cela changerait le monde. Elle croit en la nouvelle économie qui «donne aux jeunes la capacité d’être eux-mêmes». «Le numérique donne une capacité à agir bien plus grande. C’est un monde de la créativité et non du travail.» Elle-même avoue que son iphone est sa troisième main : Whatsapp, Telegram, Trello, Airbnb, elle utilise tous ses services. Son prochain défi : « créer un Women’s in Cloud : un réseau au-dessus des réseaux, une plateforme qui permettrait de se rassembler sous des valeurs communes et universelles.»