Plus qu’un produit ou un service, les clients sont aujourd’hui à la recherche d’expériences de consommation. Nous avons rencontré Sylvie Daumal, auteure du premier ouvrage français sur le design d’expérience utilisateur, « Design d’expérience utilisateur, principes et méthodes UX ».
Le design d’expérience utilisateur ou UX Design, est une méthode venue des pays anglo-saxons et assez récemment arrivée en France. Avant de plonger avec Sylvie Daumal dans sa vision du métier, commençons par quelques définitions.
Tout d’abord, le design. Cette notion ne rassemble pas que les oeuvres de Starck et autres Andrée Putman. Comme le disait Steve Jobs en 2003 : « La plupart des gens font l’erreur de penser que le design est ce à quoi ça ressemble. (…) Le design, ce n’est pas seulement l’apparence et le style. Le design, c’est comment ça marche. »
Le Design Thinking, par exemple, est centré sur la résolution d’une problématique donnée. L’idée est d’innover en commençant par trouver d’où vient le problème. C’est alors qu’intervient l’utilisateur. Il faut l’observer, le questionner pour comprendre ses freins et ses motivations pour ensuite proposer une solution innovante et pertinente.
Aujourd’hui, l’utilisateur doit être au coeur du processus. L’entreprise ne peut donc plus arrêter de s’intéresser au consommateur une fois son produit entre ses mains.
Selon Sylvie Daumal, plus qu’un métier, le design d’expérience utilisateur est un processus de recherche, d’imagination, de conception, de création, de test et d’optimisation.
Pour en savoir plus sur son expertise, ce qu’elle représente au jour le jour et les enjeux pour les entreprises, nous avons donc rencontré l’auteur de « Design d’expérience utilisateur, principes er méthodes UX ».
Comment définiriez vous concrètement votre métier?
En tant que designer d’expérience utilisateur, nous apportons essentiellement des nouveaux modes de travail. La clé, ce qui permet d’offrir une bonne expérience, c’est réunir et fédérer des métiers qui ne communiquent pas naturellement. La garantie d’un bon livrable, c’est l’accord de tous les acteurs. Il faut donc les impliquer assez tôt dans le processus. L’expérience utilisateur n’est pas créée que par les UX mais par la fédération de tous. Il faut s’assurer que tout le monde aille dans le même sens afin d’éviter de tirailler le projet. Nous donnons donc des méthodes de travail adéquates pour répondre à cet objectif. Nous pouvons être des experts en architecture d’information ou ergonomie mais tout cela ne sert à rien si nous ne pouvons pas faire travailler les collaborateurs avec nous…
Quel parcours avez-vous suivi avant de devenir designer d’expérience utilisateur?
Je suis une autodidacte. Je me suis intéressée au numérique dans les années 90 avec les CD-ROM puis avec les projets web en 2000. J’étais en charge de projets avec beaucoup de contenu pour la culture ou les musées. Il y avait donc beaucoup d’informations à manipuler. J’ai alors découvert l’architecture d’informations. Je me suis spécialisée dans ce domaine puis dans l’expérience utilisateur. La discipline a émergé dans le web, je me la suis donc progressivement approprié jusqu’en 2007. C’est ensuite devenu mon métier. Il faut savoir que cette méthode évolue constamment car elle puise ses compétences, ses savoirs dans d’autres disciplines (marketing, science documentaire, design, psychologie, anthropologie…). En tant que designer d’expérience utilisateur, on se nourrit et on travaille donc avec plein d’autres expertises. Il s’agit pour l’essentiel d’un métier de pratique plus que de théorie.
Quel est le plus gros cliché que vous ayez rencontré en entreprise et quelle a été votre réponse?
« Ah vous êtes là pour faire des wireframes! »
C’est l’incompréhension la plus dure à rectifier car il ne s’agit que de la partie la plus visible de l’iceberg alors que le reste du travail est bien plus important Les personnes ont tendance à penser que nous produisons à partir de rien. Ils pensent aussi qu’en regardant de simples PSD, nous pouvons dire si ça marche ou non alors que le processus de design comprend une longue partie de tests en collaboration avec les utilisateurs. Nous pouvons nous reposer sur des best practices ou des cas d’école mais cela ne suffit pas. Au final, plus qu’un nouveau métier, nous sommes une nouvelle méthode.
Outre un simple intitulé de poste, qu’est-ce qu’implique selon vous le design d’UX pour les entreprises?
Le design d’expérience utilisateur est une méthode de travail en rupture avec notre éducation ou nos méthodes usuelles. Il faut d’abord écouter et observer. D’ordinaire, on a tendance à valoriser ceux qui parlent et qui décident. Or, dans une démarche d’idéation, on créé ensemble. Alors qu’on a tendance à tout juger, le processus d’idéation demande au contraire de suspendre son jugement. Nous sommes habitués à des réunions de débat mais pas à des réunions de travail ensemble. C’est la somme des intelligences qui créée le plus de valeur ajoutée.
Enfin, l’étape de prototypage et de tests, avec son côté bricolage, va contre les habitudes de recherche de perfection où l’erreur est perçue comme une faute et non une occasion de corriger et d’améliorer son produit ou service. Il faut se dire que plus l’erreur est précoce plus on a de succès par la suite.
Ces bases de l’expérience utilisateur ne sont pas naturelles en France. L’approche est donc difficile à mettre en place mais dès que les collaborateurs y goûtent, ils ne veulent plus revenir à leurs anciennes méthodes.
En France, la prise de conscience des bienfaits de cette méthode semble assez récente. Où en est-on aujourd’hui?
Les choses vont très vite. J’interviens au Camping depuis 3 promotions et autant les premières start-up ne connaissaient pas du tout l’UX design, autant maintenant les campeurs sont beaucoup plus familiers de la démarche qui est de plus en plus présente dans les start-up week-end, Paris web et quelques formations.
Avec UX Paris, nous avons la volonté de faire connaître la démarche et d’avoir des retours d’expérience de part et d’autre. Nous étions 10 inscrits par conférence en 2009 et plus de 150 aujourd’hui. Sur Linkedin, nous sommes plus de 1000.
Même les personnes donc l’activité première est assez éloignée du numérique comprennent l’intérêt et l’importance de la démarche. Notamment les grandes entreprises longtemps tournées davantage vers la production que vers le client. Il est pourtant plus dur d’y trouver la façon de passer à cette démarche. Les comportements et mentalités changent donc très vitre et les habitudes de travail suivent.
Que manque-t-il selon vous en France pour que le Design Thinking explose et devienne monnaie courante?
C’est en cours, il ne manque pas forcément grand chose mais comme il s’agit d’une approche très pragmatique et fondée sur l’erreur, elle est encore en opposition avec ce que nous connaissons depuis des dizaines d’années. Il est donc plus dur de mettre cette méthode en place. Toutefois, cette méthode arrive dans les écoles et dans certaines entreprises et par conséquent, ses bénéfices commencent à être visibles.
Le comportement évolue très vite. C’est aussi du aussi aux nouveaux usages numériques. Nous nous habituons à changer d’usages privés rapidement et ça se déverse dans le monde du travail en facilitant l’éclosion de nouvelles façons de travailler.
Retrouvez les principes de l’UX dans le livre de Sylvie Daumal « Design d’expérience utilisateur, principes et méthodes UX » aux éditions Eyrolles.