L’entrepreneuriat n’a jamais été une finalité pour Jean Guo. C’est son engagement pour les personnes exclues numériquement qui l’a poussée à créer Konexio. Marquée par son histoire familiale, ses différentes rencontres et son travail sur l’inclusion des publics vulnérables, elle a ressenti le besoin de créer un organisme qui permettrait de réduire la fracture numérique.
A l’ère de la surconnexion et de la dématérialisation, il est facile d’oublier les « exclus du numérique ». Pourtant, selon le dernier baromètre du numérique, 1 personne sur 5 n’utilise jamais d’outils numériques ou se retrouve bloquée en cas de difficultés.
Se présenter aujourd’hui sur le marché du travail sans compétence numérique limite ses chances d’obtenir un emploi. Selon la Commission Européenne, 90% des emplois requièrent un niveau minimum en compétences numériques. La digitalisation s’accélère, que ce soit dans le monde du travail ou dans la dématérialisation des prestations sociales. Plus de 5 millions de personnes en France cumulent précarité sociale et numérique (source Emmaus Connect).
« Le numérique présente un outil essentiel dans l’inclusion sociale qui est d’autant plus important pour ceux ayant vécu l’exclusion sociale comme les migrants, les réfugiés ou les personnes défavorisées », précise Jean Guo.
« La nécessité de combattre la fracture numérique »
Konexio est née de ce constat en 2016. Pour comprendre son histoire, il faut remonter à l’enfance de Jean Guo. Née en Chine, élevée aux Etats-Unis, elle a été marquée par le parcours de sa mère, confrontée à des difficultés professionnelles pour aider sa famille. « Je me suis inspirée de sa force et de son éthique de travail incessante pour découvrir ma passion de défendre les droits des autres. »
L’association fondée par Jean Guo a pour principale mission de lutter contre l’exclusion numérique des personnes défavorisées, notamment les réfugiés, les demandeurs d’asile et les jeunes des quartiers prioritaires.
« Nous visons à faire de l’accès au numérique et de l’apprentissage de compétences informatiques un levier d’inclusion sociale et économique » Jean Guo
Pour cela, des programmes de formation ont été mis en place selon différents niveaux allant des bases de l’utilisation d’un ordinateur jusqu’à l’introduction au code. « Nos apprenants ont beaucoup de talent et de potentiel et notre job est de les aider à débloquer tous ces atouts et leur permettre d’accomplir leurs aspirations personnelles et professionnelles. »
Au-delà de la formation, Konexio assure également un suivi afin de permettre aux participants la meilleure intégration possible dans le monde professionnel. L’objectif est d’apporter à ces personnes exclues numériquement une autonomie informatique voire de susciter un intérêt pour les métiers qui y sont reliés.
«Il y a une prise de conscience mais nous pouvons toujours faire mieux. »
L’association Konexio n’est pas seule à lutter contre ce problème d’exclusion numérique, l’écosystème entrepreneurial se mobilise. « Les mouvements pour sensibiliser les publics autour de l’importance des outils numériques pour les publics vulnérables comme les réfugiés sont très importants, notamment car il s’agit d’un secteur d’avenir. » On peut entre autres citer le mouvement initié par Techfugees dont la mission est de sensibiliser le monde de la tech à développer des solutions innovantes pour les réfugiés. Jean Guo approuve ces initiatives même si elle estime que ce mouvement devrait être partagé par toute la société, «Il y a effectivement une prise de conscience par rapport à cette problématique mais nous pouvons toujours faire mieux. »
Depuis le lancement de Konexio en 2016, plus de 200 étudiants ont été formés et plus de 600 heures de cours ont été dispensées grâce à l’implication des bénévoles. 94% des participants se sentent plus intégrés et ont acquis des compétences informatiques. L’association compte intensifier ses efforts puisque le nombre d’apprenants pourrait doubler en 2019 et son développement se poursuivre à l’international, au Malawi plus précisément, pour répondre à un besoin d’intégration des réfugiés francophones.
D’accord / Pas d’accord
Comment réagissez-vous à la citation de Joséphine Goube, fondatrice de Techfugees… ?
Jean Guo : On peut créer des applications jolies et innovantes mais si elles ne servent pas à vraiment aider les utilisateurs dans leur vie quotidienne, peu de personne utiliseront cette technologie. On doit être sûrs qu’il y a une utilité certaine et un besoin qui est adressé derrière chaque technologie pour créer un monde plus inclusif.
…et à celle de Dana Diminescu, sociologue à Telecom Paris Tech ?
Jean Guo : Souvent, les meilleures solutions sont les plus simples; Mais là, il faut trouver les solutions qui répondent exactement aux besoins du public concerné. J’ai participé à un Hackaton au Vatican où j’ai pu conseiller de jeunes personnes sur les solutions qu’ils souhaitent apporter pour aider les réfugiés et j’ai tout d’abord vu avec eux si leurs solutions pourraient réellement aider le public qu’ils ciblent, comment ils le feraient et si leurs solutions seraient durables. Tout problème peut trouver une solution technologique si cela répond à un besoin réel, concret.
Parcours de Jean Guo
Après avoir fini ses études à Stanford University, elle a été consultante à la Silicon Valley avant de postuler pour la bourse Fulbright qui lui a permis de travailler à l’Ecole d’Economie à Paris sur l’inclusion des publics vulnérables. Elle crée en 2016 l’association Konexio qui a pour mission de promouvoir l’intégration des réfugiés via la technologie.